La rupture conventionnelle conclue avec un salarié inapte après un accident du travail est nulle
30 Avr 2012 Droit social
Conclure une rupture conventionnelle avec un salarié sur le point d’être déclaré physiquement inapte par le médecin du travail est frauduleux et discriminatoire. La rupture produit dans ce cas les effets d’un licenciement nul.
CA Poitiers 28 mars 2012 ch
Le Code du travail n’interdit pas expressément de conclure une rupture
conventionnelle avec un salarié dont le contrat est suspendu en raison de
son état de santé. Pour autant, l’employeur qui s’engage dans une telle
démarche prend beaucoup de risques.
La Cour de cassation à déjà jugé, à propos du départ négocié traditionnel,
que la protection prévue par l’article L 1226-9 du Code du travail au
bénéfice des salariés dont le contrat est suspendu pour accident du travail
ou maladie professionnelle interdit la rupture d’un commun accord du contrat
(Cass. soc. 4 janvier 2000). L’administration a précisé que la
rupture conventionnelle ne peut être signée pendant cette période de
suspension (Circ. DGT 2009-5 du 17-3-2009 n° 1.2 : NA-I-27800). Le principe
a été récemment rappelé par la cour d’appel d’Amiens, à propos d’un salarié
dont la rupture conventionnelle avait été signée pendant un congé maladie
(CA Amiens 11 janvier 2012).
Aussi, dans cette affaire, la solution adoptée par la cour d’appel de
Poitiers ne surprend pas. La rupture conventionnelle avait été conclue avec
un salarié absent depuis 18 mois en raison d’un accident du travail, après
sa première visite de reprise et dont la déclaration d’inaptitude par le
médecin du travail était imminente, dans le but pour l’employeur d’échapper
à son obligation de reclassement.
L’intérêt de cette décision réside surtout dans les effets produits par
l’annulation de la rupture conventionnelle. En 2010, le conseil de
prud’hommes avait jugé qu’il y avait lieu de faire produire à cette rupture
les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est
réformé sur ce point : la cour d’appel de Poitiers considère au contraire
que la rupture doit être requalifiée en licenciement nul. L’employeur a non
seulement violé les dispositions de l’article L 1226-9 précité, qui lui
interdisent sauf exceptions de rompre le contrat de travail suspendu en
raison d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, mais il
s’est également rendu coupable d’une discrimination fondée sur l’état de
santé du salarié.